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Philippe Claudel, L’archipel du chien

Coup de cœur d’Isabelle Zünd. 19 mai 2018

Philippe Claudel, L’archipel du chien, Éditions :  STOCK, 280 pages

Si la couverture de ce livre vend du rêve, son contenu dilue du cauchemar. Sous la forme d’une fable acide, l’auteur égratigne l’indifférence collective qui s’est installée face aux drames des migrants. Son écriture droite et orageuse met en relief la lâcheté et la cruauté de la nature humaine. En décor, une petite île isolée que l’on devine méditerranéenne. Un matin, quelques notables découvrent 3 cadavres de jeunes hommes noirs échoués sur la plage. C’est l’histoire de la procrastination déployée par ces acteurs sans noms, par ces « salauds ordinaires ». Il faut se débarrasser du problème ! La vieille instit, le curé, le Maire, le Docteur, le nouvel instit et le visiteur inconnu débattent, se battent, se débattent face à leurs âmes et consciences. Comment s’arranger avec l’impossible ? Ce roman est oppressant jusqu’à la dernière ligne, humainement dérangeant. On y trouve de tout, des goûts et des couleurs, des bruits et des odeurs, des rires et des pleurs. Merci Monsieur Claudel d’être un si précieux gêneur.

Lize Spit, Débâcle

Coup de cœur d’Isabelle Zünd. 28 mars 2018

Lize Spit, Débâcle, Éditions :  Actes Sud, 420 pages

Autant annoncer la couleur : terriblement noir ! N’y cherchez aucune nuance plus claire. Sur, l’échelle de l’amertume, ce premier roman se situe dans la catégorie « poids lourd ». Il conte les désespérances de certaines enfances. Nés la même année, dans un bled paumé, Eva, Pim et Laurens sont inséparables jusqu’à l’adolescence. Là se joue un drame. A 25 ans, Eva vit à Bruxelles. Elle revient au village avec, dans son coffre, un bloc de glace. Le mode narratif se décline en alternance sur 3 niveaux : la journée du retour, l’été des jeux interdits de l’adolescence et toutes les bribes de l’enfance. C’est habilement tissé, à la manière d’un thriller. L’écriture tranche dans le vif, en griffe les fentes. La traduction du néerlandais est remarquable puisqu’on ne la remarque pas. Il est impossible de se mettre à l’abri du récit et des vapeurs toxiques qu’il dégage parfois. J’ai un peu ri, jaune, et beaucoup pleuré. Je suis encore bouleversée. Demain, promis, je lis léger !

Olivier Adam, Chanson de la ville silencieuse

Coup de cœur de Barbara Blanc, 8 février 2018

Olivier Adam, Chanson de la ville silencieuse. Editions Flammarion (221 pages)

La fille du chanteur, particulière mais attachante jeune femme.

Ce père, chanteur quelque peu déchu, disparu un beau jour sans laisser de traces ; en voie d’être déclaré mort par la justice.

L’enfance sans enfance.
Cette mère absente étrangère.
Laissée pour compte ou considérée comme une adulte.
Élevée et éduquée surtout par elle-même et un peu par les gardiens de la propriété.

Une photo prise à Lisbonne immisce le doute qui planait déjà… et s’il était toujours en vie? Un ultime espoir de le revoir? de boucler la boucle de leur relation? de lui demander des comptes? …De quoi au final? Invite la fille du chanteur à parcourir la ville portugaise et les villes côtières à proximité de long en large.

Olivier Adam nous offre un collier de mots magnifiques, mélancoliques parfois, qui se déguste, se savoure. Ce roman, d’une densité rare, demande une lecture attentive, attentionnée, abandonnée.

Le Livre de la semaine (L’Impartial du 08.12.2017)

« Denali », de Patrice Gain

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Le Livre de la semaine (L’Impartial du 28.10.2017)

« Fief », de David Lopez

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Le Livre de la semaine (L’Impartial du 15.09.2017)

« Le jour d’avant » de Sorj Calendon

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Valentine Goby, Un paquebot dans les arbres

Le coup de coeur d’Odile Grange, 21 septembre 2016

Valentine Goby, Un paquebot dans les arbres, (Actes Sud)

Valentine Goby a écrit un livre d’une force, d’une intensité qui bouleversent le lecteur: une histoire de famille simple, triste, et tellement plus…

Mathilde revient sur un lieu désaffecté où, dans les années 60, se trouvait le sanatorium d’Aincourt. Dans cet immense bâtiment au milieu de la forêt, le couple aimant de ses parents s’est fait soigner, à une époque où la pénicilline ne fait pas de miracles. Les enfants sont placés dans des familles d’accueil. C’est la faillite et la misère pour ces cafetiers de village doués pour le bonheur mais imprévoyants; la sécurité sociale ne protège que les salariés. D’autre part, les violences en Algérie marquent le climat politique en France.

Mathilde va se battre avec une force de résistance et une énergie, afin de regrouper la famille éclatée.

Un roman lumineux.

John Irving, Avenue des mystères

Le coup de coeur d’Isabelle, 11 août 2016

Avenue des mystères, (John Irving)

Merci Monsieur Irving pour ce quinzième roman. J’avais presque oublié l’état d’ivresse dans lequel me plongent vos mots. « Avenue des mystères » est un trésor, plus précisément un fous-y-tout de trésors. C’est un labyrinthe jubilatoire qui malmène le lecteur entre rêve et réalité.

II serait absurde d’en construire un résumé académique. Cet exercice artificiel ferait perdre de sa saveur au livre.

Il est question d’un auteur célèbre, vieillissant et sous médicaments. Il est question de voyage et d’un dosage sauvage de viagra et de bêtabloquants. Les souvenirs remontent peu à peu à la surface : son enfance à la lisière d’une décharge publique, son destin et celui de sa petite sœur extralucide, la mort de sa mère, femme de ménage chez les jésuites et prostituée, « tuée » par une statue géante de la vierge, son passage au cirque, son adoption par un prêtre défroqué et un travesti. Un voyage haut en couleurs où se mêlent tous les déséquilibres. Les personnages ont tellement de relief que vous vous retournerez en pensant qu’ils sont juste derrière vous. L’architecture du livre (style Sagrada familia) m’a enchantée jusqu’à la dernière page. J’ai eu parfois besoin de souffler afin d’éviter que trop de fantaisie déborde sur mon quotidien. « Sexe, drogue, religion et mort » sont des thèmes chers à John Irving. Ils les traite ici de main de maître, de maître vieillissant. Ce livre est poignant, drôle et dramatique. Il est gros et heureusement.

Merci Monsieur Irving pour votre folle humanité.

Annie Ernaux, Mémoire de fille

Le coup de coeur d’Odile Grange, 15 mai 2016

Annie Ernaux, Mémoire de fille

Dès son premier livre, Annie Ernaux interroge sa mémoire et le temps. Elle analyse l’enfant qu’elle fut, l’étudiante s’éloignant de son milieu populaire normand, sa relation à ses parents, l’amante passionnée d’un diplomate russe.
Dans Mémoire de fille, la romancière retrouve la jeune fille de 18 ans, l’été 58 passé dans un camp de jeunesse. Loin de la surveillance de sa mère, elle découvre les hommes, sa place mal définie, son corps encombrant, le choix des études.
Chaque récit fascine le lecteur qui s’interroge à son tour sur ce qui a construit l’être qu’il est, sur ce qu’il fait de ce qui lui arrive. Dans son journal de 1989, Annie Ernaux écrit : « Il n’y a qu’une chose qui compte pour moi : saisir la vie, le temps, comprendre et jouir ». En 2016, elle ajoute : « Est-ce la plus grande vérité de ce texte ? »
C’est poignant et magnifique.

Jacques Prévert, La pluie et le beau temps

21 mars 2016

En cette journée mondiale de la poésie, nous ne pouvons que vous recommander la lecture de Prévert. Belle semaine à tous.